La langue française est-elle sexiste?

12/06/2022

La langue française est-elle sexiste?

Alors que l’année 2022 touche à sa fin, le Time Magazine vient d’élire les femmes en Iran héroïnes de l’année. De plus en plus d'organisations montent également au créneau et pointent du doigt, non seulement la violence faite aux femmes mais également les inégalités langagières. 


Ainsi, dans sa recommandation R-90-4 du 21 février 1990, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a reconnu que « le sexisme dont est empreint le langage en usage dans la plupart des États membres – qui fait prévaloir le masculin sur le féminin - constitue une entrave au processus de l’égalité des femmes et des hommes du fait qu’il occulte l’existence des femmes qui sont la moitié de l’humanité, et qu’il nie l’égalité de la femme et de l’homme ».


Rappelons que l’ancien français était plus égalitaire au Moyen Âge :

•    la société féodale ne limitant pas l’accès des femmes à la vie publique, de nombreux métiers étaient féminisés (p.ex. « poétesse », « mairesse ») ;
•    l’accord de proximité permettait à l’adjectif de s’accorder avec le nom le plus proche. Ainsi, l’adjectif « bleu » était au féminin dans la phrase « les camions et voitures bleues sont à vendre ».


Au XVIIe siècle, l’interdiction pour les femmes d’exercer certaines fonctions se répercute sur la langue et des emplois féminisés sont supprimés du dictionnaire ou relégués au second plan : « ambassadrice » ne définit plus le poste d’ambassadeur occupé par une femme mais bien l’épouse de l’ambassadeur. L’Académie française, créée en 1634, est même allée plus loin en supprimant l’accord de proximité au profit de la règle grammaticale selon laquelle le masculin l’emporte sur le féminin. 


De grands changements s’opèrent cependant depuis les années 70, sous l’impulsion d’une société qui se veut plus égalitaire. Les noms des professions se sont féminisés et le recours à l’écriture épicène et aux doublets est vivement recommandé dans les communications écrites. Le point médian évince peu à peu la parenthèse dans les doublets abrégés et nous rappelle qu’un genre ne devrait pas être mis entre parenthèse au détriment de l’autre. Ainsi, « magicien·ne » l’emporte peu à peu sur « magicien(ne) ».


Bien que récemment proposé en France par le Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes (guide pratique de 2022), l’accord de proximité reste marginal. Au Canada, l’office québécois de la langue française reconnaît qu’il « n’est pas incorrect grammaticalement » mais il ne l’encourage pas compte-tenu du risque de « confusion » (dans notre exemple ci-dessus, on pourrait croire que l'adjectif « bleues » ne concerne que les voitures et non les camions).


Cependant, force est de constater que la langue française est en effervescence, comme en témoignage l’entrée du pronom personnel non-binaire « iel » dans le dictionnaire  Petit Robert en ligne. Les débats se poursuivent et il y a fort à parier que la grammaire française s’éloigne encore de celle apprise sur les bancs de l’école il y a encore quelques décennies. 

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